Textes

L'expérience du temps rappelée d'une manière significative par Proust dans le titre de son œuvre monumentale « À la recherche du temps perdu » devient fondamentale dans l'œuvre de KAREN TUAL.
La mémoire affective et spontanée offre la possibilité à cette artiste, par la fraîcheur de son imagination, d'une récupération inattendue et surprenante de sensations et d'émotions. KAREN TUAL semble vouloir lutter contre le temps inexorable et fouille dans ses souvenirs pour nous inviter à une vie plus harmonieuse, moins matérialiste…Elle a l'habileté à nous faire revivre un monde en extinction, pour empêcher qu'il ne tombe dans l'oubli…

Les représentations de KAREN TUAL sont d'une élégante exécution, son chromatisme est riche en nuances et en finesse. Il ne s'agit pas de folklore. On ne peut pas limiter ce peintre dans les catégories rigides de la naïveté ou du primitivisme, car son art est libre, sans étiquette particulière. Ce qui est important pour nous, c'est qu'elle a la capacité et le don d'émouvoir, de procurer des frémissements à ceux qui regardent ses tableaux. KAREN TUAL a très tôt compris qu'il était possible de créer, au moyen de sa peinture, un monde qui peut faire oublier nos chagrins quotidiens, exprimant le désir de parvenir à une vie plus humaine.

C'est là, sans doute, le secret de l'inspiration de KAREN TUAL.

C'est là, une invitation à goûter et à apprécier les joies les plus simples de la vie.
GIORGIO CREMA. Critique d'Art. Revue « Arte Naïve » ITALIE


N'allez surtout pas imaginer que nous sommes, avec Karen Tual, en présence d'une œuvre réaliste ou hyper-réaliste dans le goût, par exemple, de l'Ecole américaine des années quatre-vingts.
Non, bien au contraire. Si les paysages rustiques de Karen Tual étaient réalistes, il faudrait bien qu'on y trouve, n'est ce pas, quelque rétention d'eau stagnante d'une récente inondation, une carcasse de tôle Citroën derrière la ferme, une ou deux bêtes malades, et des galeries dans les berges de la rivière creusées par des ragondins.

Donc, cet univers n'est guère plus réaliste que celui de François Millet ainsi que l'a démontré en son temps le critique d'Art Léon Gambetta. Nous ne sommes pas dans un monde tel qu'il est mais tel qu'on voudrait qu'il soit, comme on le rêve. Et c'est tant mieux parce qu'il est lavé, nettoyé, embelli, restauré. Végétation bien peignée dans un cadre grand-meaulnien, thèmes bucoliques et agrestes, l'ensemble peut faire penser à de l'illustration mais au sens propre, c'est-à-dire donner du lustre, de la lumière (lustrare, lustrum : « la lumière » en latin) au monde. C'est çà, le génie de l'ensemble, un univers rendu à la lumière, objectif auquel on parvient grâce au traitement de la couleur, grâce à une réussite technique (et teckne en grec signifie Art).

Le pays que Karen Tual nous invite à contempler est un Pays de cocagne dans son sens étymologique : cocagne signifie « pastel » en ancien français, et pastel vient de l'italien pastelo (pâte, gâteau) ; un pays de cocagne est un pays où tout est riant et en surabondance, c'est le cas ici. Et cet univers n'est pas en mouvement (agitation), il est statique et en ordre (repos, contemplation) ; il reflète certains aspects de l'idéal baudelairien dont certains vers conviendraient à un commentaire de l'œuvre de Karen Tual :


« Les soleils couchants
Revêtent les champs

(…) D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière. »

Aussi permettez-moi de la résumer, cette œuvre, par les deux vers de l'Invitation au voyage (prendre « luxe » dans le sens latin : lumière) : « Là, tout n'est qu'ordre et beauté. Luxe, calme et volupté. »
CHRISTIAN DENIS. Critique d'Art.

Une amie des Herbiers me parle d'une jeune femme, peintre naïf, qui illustre des scènes du terroir Vendéen…Méfiance, double méfiance…

Depuis mon adolescence où, un de mes compagnons s'affirmait « peintre naïf » ma perplexité a toujours été aussi vive face à ce qui m'apparaît comme une insoluble contradiction : comment peut-on être naïf en ayant conscience de l'être ?… Méfiance aussi vis-à-vis de moi-même, de ma mauvaise foi naturelle qui n'a plus de limite lorsqu'il est question de la Vendée.

Enfin, j'ai rencontré cette jeune femme discrète au regard clair, bien sûr j'ai voulu en savoir plus…voir…Méfiance évaporée par cette chaleureuse simplicité, surprise, séduction, là où je redoutais le « naïf » prémédité, j'ai trouvé pureté, simplicité, émotion.

C'est vrai j'aime la Vendée passionnément, viscéralement. Enfant, je me suis imprégné de ses parfums, de ses mystères. Aujourd'hui le frisson est intact, la ronde des saisons me procure la même ivresse et si je retrouve dans « Les scènes de la vie quotidienne » de KAREN TUAL ces mêmes pulsions qui m'ont fait écrire des chansons comme « Des ronds dans l'eau »ou « La bicyclette », là n'est peut-être pas la raison d'un engouement né de l'authenticité. Si, comme je le pense, seul l'authentique est, au-delà de toute frontière, identifiable donc universel, nombreux doivent être ceux qui seront séduits par ce travail, comme nous le sommes par les personnages des films de YASUJIRO-OZU.
PIERRE BAROUH